Chers
Amis,
Par
la révélation de la Beauté, l'icône nous
fait franchir d'un coup les seuils du sensible et du psychologique,
nous ouvre les portes du temple et nous met face à face avec
le Transcendant. On n'est pas devant l'œuvre d'un auteur mais
devant l'Auteur de toute œuvre. Et non pas dans une objectivité,
une distance, Lui à trois mètres, mais dans la relation
brûlante d'un Dieu personnel.
Cela
explique pourquoi il y a dans les églises orthodoxes une
telle sensation de vie et de présence. Tout est célébration,
même en dehors des offices, tout ramène à la
seule réalité vraiment vivante, à « l'unique
nécessaire » : le mystère divin. Et quand on
s'incline devant les icônes avant de les embrasser, il y a
quelqu'un en nous qui sait qu'il n'y a rien qui nous soit plus intime.
Ces
mêmes icônes trouvent aussi leur place à la maison
et font d'elle un temple ; elles sanctifient les lieux et les espaces
; leur rayonnement transforme l'atmosphère et neutralise
les ondes négatives ; elles donnent à la demeure et
à tout ce qui s'y vit un centre où rien de ce monde
n'a le dernier mot, mais s'ouvre vers un Au-delà de lumière
et de joie... « Que ta maison soit une église »
dit saint Jean Chrysostome (IVe siècle).
Là,
sous le regard de feu et de tendresse des icônes, l'amour
au quotidien se fait alchimie d'un monde autre, la cellule familiale
introduit dans le plus petit détail le « meurs et deviens»
d'une pâque qui ne cesse d'être célébrée
à la liturgie. Ainsi la Vie circule d'un lieu à l'autre
pour faire son œuvre de transfiguration. Telle la veilleuse
toujours allumée à côté de l'icône
ici et là, l'homme s'éveille à la vigilance
par ces rappels constants. Son visage, toujours exposé à
l'icône, « réfléchit comme en un miroir
la gloire du Seigneur qui est sur la face du Christ » et il
est lui-même peu à peu « transformé en
cette même icône, de gloire en gloire, par l'action
de l'Esprit» (2 Cor 3,18; 4,6).
L'icône
de Dieu alors, la plus extraordinaire, c'est l'homme. On devient
ce que l'on contemple. Et c'est pourquoi pendant les offices à
l'église, le prêtre encense les fidèles tout
aussi bien que les icônes ! Voilà pourquoi aussi une
relation entre deux êtres humains n'est jamais banale et utilitaire
: c'est le lieu même d'une Visitation mystérieuse où
quelque chose peut se mettre à danser au fond des cœurs
(Lc 1,39-45). Alors que le jugement ou le regard critique sur l'autre
retombe sur son auteur pour l'accuser d'une effarante myopie et
de peu de profondeur. Il a l'œil sombre et le regard ténébreux,
il ne voit que les apparences, son champ de vision est plat ; enfermé
en lui-même, il ne voit que l'enfer chez les autres.
Le familier
des icônes baigne dans leur lumière, c'est son milieu.
En effet, c'est la lumière qui qualifie une icône.
Comme le dit la Tradition : un iconographe peint avec la lumière
et non avec les couleurs. Selon les jours de la création
décrits par la Genèse, il part des ténèbres,
pose d'abord sur le bois les couches les plus sombres, la terre,
puis va vers une « clarification progressive », de couche
en couche jusqu'à l'éclatement de la lumière.
C'est avec cette Lumière, qui est le Christ, que Dieu crée
le monde, et c'est avec cette même Lumière que travaille
l'iconographe. Lumière incréée qui émane
des profondeurs et illumine les visages. Comme le centre de l'icône
se trouve dans celui qui la regarde, elle plonge en son tréfonds
cette «Lumière qui éclaire tout homme»
(Jn 1,9). Là elle rejoint la lumière qui l'habite
déjà et ouvre en lui le chemin de l'illumination.
Dans
ce sens tout homme peut être iconographe. S'il a un regard
de lumière sur l'autre, il le revêt de splendeur et
le suscite au meilleur de lui-même, l'étincelle divine
se met à rayonner au fond de son être, les ténèbres
disparaissent. Qui n'a souvenir de telles rencontres? Seul ce regard
visionnaire, longuement appris auprès des icônes, sait
contempler la vraie beauté des êtres et des choses
; « l'œil de la colombe » appréhende la
transparence de tout ce qui l'entoure. Il n'y a plus de rapports
de force alors, seulement de la Force dans les rapports. Le visage
est un abîme de mystère : l'amour seul entre dans ce
sanctuaire.
A nous
d’en faire l’expérience !
Avec
toute notre affection, à bientôt !
Père Alphonse et Rachel
Texte
à méditer
L'image
agit profondément sur l'âme humaine, sur ces facultés
créatrices ou motrices. On dit, par exemple, que si, durant
le temps qui précède la naissance d'un enfant, une
mère regarde fréquemment le visage ou le portrait
de son époux bien-aimé, l'enfant ressemblera beaucoup
à son père; ou si elle regarde fréquemment
le portrait d'un enfant très beau, elle donnera naissance
à un très bel enfant. Si donc un chrétien regarde
souvent, avec amour et piété, l'image de notre Seigneur
Jésus-Christ, de sa Mère très pure et de ses
saints, son âme recevra les traits spirituels du visage amoureusement
contemplé: douceur, humilité, miséricorde,
tempérance... Si nous contemplions plus souvent les images
et surtout la vie du Seigneur et de ses saints, comme nous changerions,
comme nous marcherions de hauteur en hauteur!
(Saint
Jean de Cronstadt, prêtre russe thaumaturge (1829-1908))