Gorze,
Mars 2008
Chers
Amis,
A la fin de notre dernière lettre, le grain tombé en terre,
traversant toutes les épreuves en rendant grâces, finit pas
découvrir la vie en plénitude et donne du fruit à
« cent pour un ». C’est parce qu’il est tombé
dans « la bonne terre ». Il y a là une Loi profonde
du vrai vivant que le Christ veut nous apprendre durant ce temps de sa
Passion. Il est, Lui, ce « grain de blé qui tombe en terre».
Mais quelle est cette terre ?
Le
symbolisme de l’humus, de la bonne terre, est proprement extraordinaire.
En contemplant sa nature profonde, il livre le triple secret de son intimité.
L’humus
a d’abord toutes les caractéristiques de l’humilité
avec laquelle il a étymologiquement partie liée. Il est
accueil total, offert et ouvert à ce qui doit venir : le soc de
la charrue qui le laboure, la semence qui le féconde et la pluie
qui le nourrit. Il se laisse retourner, creuser, défoncer…
L’humus ne mérite son nom que s’il est pur, c'est-à-dire
sans mélange : il n’a pas de volonté propre, son terreau
est sans cailloux ni scories ou autres présences qui pourraient
l’orienter. Son être est tout attente et écoute, il
n’a qu’une seule direction : réaliser ce pour quoi
il est fait. C’est une terre vierge.
Et
quand le grain tombe dans ses sillons, alors elle s’unit à
lui, les deux font alliance et se marient, si bien que la semence se fond
en elle et réciproquement : la terre alors devient vraiment l’épouse,
le pacte est lié. Ce sont des épousailles, mais c’est
la terre qui intègre, intériorise, se donne. Par son «
oui » tout s’accomplit, sans résistance aucune elle
épouse le devenir et s’inscrit ainsi dans l’immense
ordre de la création selon son plan interne, entièrement
ouverte à l’action de Dieu, permettant à Dieu d’être
Dieu. Grâce à ces épousailles, plus rien ne sépare
le grain et la terre de l’acte créateur. Ils sont tous les
deux dans un simple et pur vouloir de Dieu…
Rien
n’est plus fécond que cet abandon actif ou, comme dirait
Theilhard, cette « passivité de croissance ». Rien
de grand ne se produit en dehors de cette Loi, tout génie créateur
en fait son pain quotidien et chaque saint ne l’est que grâce
à elle. En Extrême-Orient on l’appelle le « non-agir
», dans la Tradition chrétienne c’est « l’effort
sans effort » ou tout simplement l’abandon et la confiance,
à partir desquels tout entre en gestation et donne naissance à
la vie. Dans cette attitude tout est donné. En effet, sur le Chemin
spirituel il n’y a pas de virginité sans épousailles,
mais il n’y a pas d’épousailles qui n’aboutissent
spontanément à la maternité. C’est son troisième
secret que nous livre la « bonne terre » : elle est vierge,
épouse et mère, et ces trois se tiennent intimement, inséparablement.
Le grain que la terre épouse la pénètre comme un
germe, elle fait de la place en elle, « couve » son avenir,
et entre dans un enfantement où elle donne sa propre substance.
Nous
avons reconnu au cours de cette contemplation de la « bonne terre
» qu’il s’agit là du véritable disciple
et de son attitude fondamentale, donc par excellence de Marie. C’est
elle la terre-vierge, l’épouse, la terre-mère, l’archétype-même
du disciple du Christ, la première qui nous ouvre le Chemin. Elle
est pour nous « le Chemin même du retournement », comme
l’appellent les Pères, elle nous y initie et nous accompagne
tout au long de notre propre cheminement. C’est à son contact
que notre liberté devient un vrai humus, une bonne terre.
Par elle, nous apprenons que la virginité est un point de départ
absolu et inconditionnel, que l’on soit marié ou non. C’est
le préliminaire indispensable à tout véritable amour,
la condition de son existence même. Comment aimer si on a le cœur
partagé (1Co 7,34) ou si l’on est enchaîné par
ses passions ? La virginisation de l’être est le laboratoire
secret où se forge la décision unique sans laquelle il n’y
pas de Chemin, où s’élaborent aussi toutes les dispositions
nécessaires à l’amour, les moyens. C’est le
moment de la mobilisation de toutes les énergies dans une direction
exclusive.
Seulement celui qui a intégré l’antichambre peut alors
pénétrer dans le saint des saints qui est l’amour
lui-même, union et communion, épousailles. C’est le
seul but de la virginité. Débarrassé de soi et de
nos « mélanges », le don à l’autre devient
possible, jusqu’au don ultime : mourir d’aimer. L’amour
sacrificiel seul, en effet, a le droit de demeurer comme chez soi dans
le cœur de l’autre. Et seulement aussi s’il va jusque
là, au centre de l’être, il connaîtra la source
de cette intimité réciproque : la divine Trinité
qui est au coeur de tout être et de toutes choses. C’est pourquoi
l’amour trouve son centre non seulement dans le cœur de l’autre,
mais au cœur de tout ou, disons, au cœur de l’instant
présent qui manifeste la volonté de Dieu, c'est-à-dire
sa Présence signifiante. Le « oui » des épousailles
peut donc se vivre partout, il fait du moment qui passe un buisson ardent
et découvre ainsi l’intensité d’une vigilance
permanente.
Rien de tout cela n’aurait de sens si ce n’était pour
une maternité : la naissance du Verbe de Dieu en nous. Nous devenons
« Christophores », porteurs du Christ. Et cette gestation
continuelle à l’intérieur de nous, nous permet alors
de « donner aussi notre propre vie à l’extérieur,
comme une mère » (1Thess 2,7-8) et d’enfanter les autres
à la foi « jusqu’à ce que le Christ soit formé
en eux » (Ga 4,19). Cette renaissance intérieure de ceux
que nous rencontrerons sur le Chemin est le grand fruit de notre témoignage
maternel à travers l’humus, l’humilité du quotidien
: l’écoute, la compréhension, l’amitié,
la solidarité, le dévouement sous toutes ses formes…
Et voilà que la virginité, les épousailles et la
maternité se conjuguent au sein de la même réalité.
Car la terre est bonne et elle est une…
Cette terre est la « Terre Promise », c'est-à-dire
la Pâque, celle du Christ et inséparablement celle de Marie,
donc la nôtre, à laquelle Il va nous conduire maintenant
comme le premier de cordée… Devenons amoureusement un avec
ce qui est à l’heure qu’il est, « tout le reste
nous sera donné par surcroît » !
Avec
toute notre affection, à bientôt !
Père
Alphonse et Rachel
Prière:
«
Cet
arbre est pour moi salut éternel : de lui je me nourris, de
lui je me repais. Par ses racines je m’enracine, par ses branches
je m’étends, de sa rosée je m’enivre, de
son Esprit, comme d’un souffle délicieux, je suis fécondé.
Sous son ombre j’ai planté ma tente et j’ai trouvé
un abri contre la chaleur de l’été. Par ses fleurs
je fleuris, de ses fruits je me délecte à satiété,
et je cueille librement ses fruits qui me sont destinés depuis
les origines. Cet arbre est aliment pour ma faim, source pour ma soif,
vêtement pour ma nudité ; ses feuilles sont esprit de
vie et non feuilles de figuier. Cet arbre est ma sauvegarde quand
je crains Dieu, mon appui quand je vacille, ma récompense quand
je combats, mon trophée quand je triomphe. Cet arbre est pour
moi le sentier étroit et la voie resserrée ; c’est
l’échelle de Jacob, c’est le chemin des anges au
sommet duquel le Seigneur est réellement appuyé. »
(Ancienne
Homélie Pascale 51)
Tu
seras ma couronne de splendeur dans la main d’Adonaï,
un turban royal dans la main de ton Dieu.
On ne te dira plus : « Délaissée »
et de la terre on ne dira plus : « Désolation ».
Mais on t’appellera : « Mon plaisir est en elle »
et ta terre : « Epousée ».
Car le Seigneur trouvera en toi son plaisir, et ta terre sera épousée.
(Isaïe 62,3-5)
Sessions
en cours à Béthanie
Du
19 au 23 mars : « Semaine Sainte et
Nuit Pascale ». Sommet de l’Année Liturgique
et mystère de la vie de chacun. Mettre ses pas dans les pas du
Christ, c’est renaître.. info
Du
19 au 20 avril : «
La pratique du Hara selon
Graf Dürckheim
». Etre centré ou non, telle est
la question d’une vie. Découvrir le Royaume intérieur
par le corps que je suis.
info
Du
26 au 27 avril : « L’approche
intégrative et la vision quantique de la santé »
avec Jean-Louis Garillon. Quoi de neuf dans le domaine médical
quantique aujourd’hui ? Comment apprivoiser ces nouvelles découvertes
?. info
Du
2 au 4 mai : «
La voie des Psaumes »
Apprendre à psalmodier, c’est découvrir la
Bible en chantant et vivre dans l’esprit du Christ, c’est
s’accorder tous les jours au chant du monde.
info
Informations
Nous
sommes heureux de vous annoncer la parution d’un nouveau livre de
notre ami Jean-Marie PELT intitulé «
Nature et spiritualité »chez Fayard.

Ce livre met en lumière les profondes convergences des grandes
traditions philosophiques, spirituelles et religieuses du monde sur des
points essentiels de la sensibilité moderne : nécessaire
sobriété écologique pour limiter l’épuisement
des ressources naturelles, alliance de l’homme et de la nature pour
maintenir les grands équilibres biologiques et climatiques, enfin,
mise en cause du rêve prométhéen où sciences
et techniques, étroitement liées au capitalisme, emmènent
l’humanité au pas de charge dans un rêve de puissance
et de domination, au mépris de toute modération et sagesse.
Pour Jean-Marie Pelt, une nouvelle éthique s’impose, celle
d’une écologie spiritualiste, seule voie porteuse d’avenir.
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un extrait du livre
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