Gorze,
mars 2009
Chers
Amis,
«
Temps de crise », disions-nous dans notre dernière «
Lettre »… « Temps de conversion », pouvons-nous
ajouter aujourd’hui, car le Grand Carême bat son plein
et nous permet d’aller à la cause de tous nos malheurs…Pour
rectifier le tir.
Si nous n’étions pas des chrétiens-amateurs, il
y a longtemps que le monde serait en feu (Lc 12,49). Ce peuple-là
m’honore des lèvres, mais son cœur est fort loin
de moi (Mt 15,18), sa religion envers moi n’est que commandements
humains, leçons apprises ! (Is 29,13) Amateurs… Nous
« faisons » des tas de choses et oublions d’être
amoureux. Nous nous jetons dans le multiple du matin au soir et n’avons
pas cet axe, cette direction qui unifierait tout. Notre action est
sans adresse, elle ne s’adresse à personne, notre existence
est sans vis-à-vis, nos relations ne sont que fonctionnelles.
Nous avons perdu la Vie de la vie, les vrais motifs ont disparu…
Alors, de temps à autre, en l’occurrence pendant le Carême,
Dieu, comme un fiancé déçu jusqu’aux larmes
de sang (Lc 22,44) vient hurler son « énorme épouvante
» par la bouche de ses prophètes : Ils m’ont abandonné,
moi, la source d’eau vive (Jr 2,19), vous avez conçu
du foin, vous enfanterez de la paille (Is 33,11). « Quand l’Amour
a la nausée de nos vaines agitations… » serait
un beau titre pour résumer toute l’histoire biblique
de nos égarements face à l’essentiel !
Jésus ne voulait pas dire autre chose, lorsque dès sa
première prédication, Il s’écrie : Convertissez-vous
! (Mc 1,15). Le « retournement du cœur » pour aimer
et ne « faire » que cela à travers tout est le
nœud de tout son enseignement. Catastrophe : l’amour crucifié
n’a pas de partenaires et se meurt, le vendredi saint, dans
la dernière des solitudes, abandonné de tous…
Jean-Baptiste a subi le même sort. Lui aussi a voulu convertir
à l’amour (Mt 3,2) ; mais on s’est tellement payé
de sa tête qu’on a fini pour la lui couper…La quasi-totalité
des prophètes, tous les apôtres sont passés par
là !
L’homme préfère sa petite religion, au goût
du jour, suivre son propre chemin, chercher son intérêt
(Is 56,11). Mais à travers nos détournements-mêmes,
l’accumulation de nos péchés, voire notre «
bonne conscience », ne cesse de percer comme une flèche
ce petit mot de Jésus qui cristallise le message millénaire
: Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous…(Lc
13,13). Nous menons une vie de morts. Les prophètes, certes,
essayent de faire éclater l’univers pourri de nos prétextes
et de nos excuses, des facilités, des conformismes, des fausses
sécurités…Mais l’homme est installé
dans sa misère, il s’y est habitué, il ne s’imagine
même plus qu’il puisse y avoir autre choses et que la
vie n’est pas du tout ce à quoi il l’a réduite
!
Il est étonnant, n’est-ce pas, pour des « chrétiens
chevronnés » comme nous, qu’il faille toujours
revenir sur ce que nous prenions pour une affaire classée !
Nous pensions être des croyants et nous voilà au pied
du mur…Tenez, ce petit test de vérité : interrogeons
notre vie et voyons quelle conception du bonheur la domine. Est-ce
le bonheur de la seule réussite terrestre : beauté,
santé, réputation, argent, puissance, réussite…
? Ou est-ce Jésus-Christ notre bonheur et notre vitalité,
la motivation dernière de toutes nos entreprises, y compris
celle de vouloir entrer dans le dessein de Dieu ? On peut être
catéchiste enragé, militant à tous crins, religieuse
ou prêtre…et ne pas être converti ! Ce que l’on
met sur le dos de la charité ou du don de soi ne peut être
qu’engraissage de l’ego et carrière du petit moi.
On peut se décorer de mille manières, même sous
les apparences contraires !
Tout est une question de direction. Vers quoi se tourne spontanément
mon cœur ? Où va inconsciemment et sans arrêt ma
préférence ? Vérifier tous les jours ma réponse
à ces questions, c’est vivre dans la logique de la conversion
Mais sans doute nous révèleront-elles, d’une manière
inattendue, que nous vivions jusque là dans l’univers
des formules et des idées générales, et que notre
supposée « foi » n’est jamais entrée
comme une hache dans nos mœurs (Lc 3,9). L’expérience
spirituelle est le privilège des spécialistes, pensons-nous.
Sous-prolétaires de l’Amour, à la rigueur fonctionnaires
de nos bons sentiments religieux, la zone profonde de notre être
n’a pas été atteinte. Voilà de quoi le
carême devrait nous guérir. Mais si tel en est l’enjeu,
si le mot « conversion » est le résumé éclair
de toute l’Ecriture et le seul programme d’une vie chrétienne,
il serait bon d’en scruter un peu encore sa signification.
Pour deux personnes qui s’aiment vraiment, l’intimité
est le centre vers lequel tout converge et la source où le
moindre instant de leur journée trouve son origine. Il suffit
de regarder deux amoureux : tout en eux est transformé (converti).
Quand il s’agit de Dieu, cette relation d’intimité
s’appelle « prière ». Mais attention : il
y a autant de différences entre rabâcher comme des païens
(Mt 6,5-8) et prier qu’il y en a entre le flirt et l’amour
! Pour certains, le mariage n’est qu’un flirt prolongé
comme pour d’autres la prière n’est qu’une
pauvre duperie : cela ne débouche sur rien, sinon sur soi-même,
pour les uns et pour les autres.
C’est pourquoi toute conversion s’opère dans le
feu. Seule la proximité du Saint brûle en celui qui le
découvre, dans le secret d’une prière contemplative,
la paille des apparences (Jr 29,29) ; elle réduit à
rien les prestiges du monde, l’honorabilité sociale,
la conscience satisfaite…tout ce à quoi allait encore
notre préférence jusque-là. Pour être un
saint, écrit Bernanos, quel évêque ne donnerait
son anneau, sa mitre, sa crosse, quel cardinal sa pourpre, quel pontife
sa robe blanche, ses camériers, ses suisses et tout son temporel…
Il s’agit pour nous, pour chacun, d’entrer dans l’authenticité
totale : peu à peu, longuement, régulièrement,
se laisser investir par Dieu, structurer, séduire, habiter
par Lui… Concrètement cela se traduit par la volonté
de trouver chaque jour un temps déterminé pour Dieu
seul. Là encore, un test serait des plus révélateurs.
Car Dieu a dans notre estime, la place qu’Il tient dans notre
temps (Evely). Nous avons du temps pour tout ce que nous estimons.
Si nous ne trouvons pas de temps pour Dieu, c’est que nous ne
l’estimons pas…Nous serons peut-être ses serviteurs
(inutiles !), ses combattants (sans doute pour une bataille perdue
d’avance !), mais pas ses amants. L’amour a une exigence
: le face à face, en pure perte et qui ne sert à rien…sinon
à aimer et à se laisser aimer !
L’élément qui permettra à ce temps de devenir
une rencontre, c’est évidemment l’Evangile. A force
de naître et de renaître sans cesse à cette Parole,
de la ruminer et de la méditer en notre cœur comme Marie
(Lc 2,19,51), nous provoquons notre conversion par osmose… La
personne de Jésus « déteint » sur nous,
littéralement. A le contempler, Il finit par passer en nous.
Ses traits, ses manières, ses réactions, ses pensées
deviennent nôtres par une sorte de contagion. Et un jour, contrairement
au blasphème d’ironie de Nicodème, nous renaissons
à une profondeur, à un tout autre plan de conscience
(Jn 3,1-21), où tout le tissu de notre vie, jusqu’au
moindre détail, va acquérir une densité étonnante,
jusque-là inconnue (Col 2,6-7). Avoir les yeux dans les siens,
la pensée hantée par Lui, le cœur tout pris, tout
envahi, comme hors de soi et passé en Lui, l’âme
pleine de son âme, pleine de sa prière, tout l’être
captivé et donné, écrit sainte Elisabeth de Dijon
(+ 1908). On retrouve dans ces paroles de feu la lave de nos Pères,
jusque dans le vocabulaire, de saint Macaire (IV°siècle)
à saint Grégoire Palamas (XIV°siècle).
L’essentiel est ce qui précède, tout le reste
vient par surcroît (Mt 6,33) et en découle comme d’une
source (Jn 15,1-11). Nous le disions : si ce point d’émergence
n’existe pas, nous pataugeons dans l’amateurisme. Mais
si, grâce à cette mise de fonds, nous avons accepté
de dépasser le stade d’une vague religiosité,
de connaître Dieu autrement que de dos et d’entrer dans
la prodigieuse aventure de la sainteté, notre prière,
à condition qu’elle soit vraie, nous dévoilera
le sens de notre vie (2 Co 3,16) et de l’histoire dans laquelle
elle se situe. Car Dieu n’est pas seulement un Dieu caché
(Ps 89,47), Il est aussi le Dieu secret de l’histoire humaine.
Mais comment le reconnaîtrais-je sur mon chemin, si mon regard
intérieur n’a pas appris à le connaître
dans l’intimité ? En effet, l’œil est la lampe
du corps (Mt 6,22-23) et la perception des choses est conforme à
mes préoccupations habituelles. Si celles-ci sont loin de Dieu,
je suis comme une radio sans antenne : elle ne perçoit que
des parasites…Dieu alors est toujours un intrus, un «
corps » étranger et quelque peu gênant ! Rappelons-nous
l’histoire du grand Inquisiteur dans les Frères Karamazov…
Si je me suis laissé saisir ainsi par Lui au-dedans de ma prière,
je Le rencontrerai aussi partout au dehors, sous le voile des apparences
et même de la banalité. Un visage d’homme sera
peut-être le haut-lieu de son rayonnement, mais un événement,
une situation, un imprévu ou une contrariété
seront tout autant de mystérieuses Visitations qui ponctuent
en réalité une Présence qui est continuelle…
Notre affaire, dit Simone Weil, est seulement d’avoir le regard
obstinément tourné dans la direction du point où
Dieu se trouve. C’est cela aimer Dieu…tenir le regard
dirigé vers Lui, le ramener quand il s'est écarté,
l'appliquer par moments avec toute l'intensité dont on dispose...
Cela est très dur parce que la partie médiocre de nous-mêmes
se sent condamnée à mort par cette application du regard
sur Dieu
Tous les ingrédients de notre révolution intérieure
sont là, à nous de jouer ! Que ce Carême soit
pour chacun un véritable « retournement ».
Avec
toute notre affection, à bientôt !
Père
Alphonse et Rachel
Prière
de Marthe Robin
Seigneur,
fais taire en moi ce qui n’est pas de Toi,
ce qui n’est pas Ta Présence, toute pure, toute paisible.
Impose silence à mes désirs, à mes caprices,
à mes rêves d’évasion, à la violence
de mes passions.
Couvre par ton silence ma nature trop impatiente à Te parler,
trop encline à l’action extérieure et bruyante.
Impose même ton silence à ma prière.
Rends-la gratuite et vraiment confiante en Ta seule grâce.
Fais descendre Ton silence jusqu’au fond de mon être,
et fais remonter ce silence en pur élan vers Toi, en hommage
d’amour.
Informations
De
Terre Sainte en Terre Sainte, de Jérusalem en Provence
Retraite
itinérante avec enseignements, méditation silencieuse,
prière des Heures, marche silencieuse.
du
12 au 16 juillet 2009
Mettre
vos pas dans ceux du Christ à travers les pas des témoins
de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. Ils sont venus
annoncer la Bonne Nouvelle aux habitants des Gaules, ce sont les familiers
de Béthanie : Lazare, Marthe et Marie-Madeleine et ceux qui
les accompagnaient. Ce sont aussi les premiers martyrs comme Saint
Victor, les premiers évêques des Gaules comme les saints
Trophime, Honorat et Césaire ou le fondateur du monachisme
et inspirateur de St Benoît : le moine Jean Cassien… Ce
sont ceux- là mêmes qui sont nos Pères et Mères
dans la foi.
Entrer
de plein pied dans leur spiritualité, celle de l’ancienne
Eglise des Gaules, celle dont nous voulons vivre encore aujourd’hui.
Conduits
et guidés par Mgr Martin, évêque de l’Eglise
orthodoxe française et par Pascal Tattier, responsable laïc
de cette Eglise et architecte-urbaniste, spécialiste des saints
provençaux. Pèlerinage sera sous la présidence
de Mgr Grégoire, évêque de l’Eglise orthodoxe
des Gaules, et accompagné par Père Alphonse et Rachel.
Du
monastère St Michel du Var où nous participerons à
la liturgie dominicale et où nous poserons les bases de notre
pèlerinage, nous irons aux Saintes-Maries-de-la-mer où
nous vénèrerons Sainte Marie Salomé, Sainte Marie
Jacobé et Sainte Sara, puis à Tarascon auprès
de Sainte Marthe et en Arles, la capitale chrétienne des Gaules
anciennes. Nous nous rendrons aussi à Marseille où prêcha
Sainte Marie-Madeleine, où Saint Victor devint Martyr pour
le Christ et où Saint Jean Cassien posa les bases du monachisme
occidental à son retour des déserts égyptiens.
Enfin nous irons à Saint-Maximin et à la Sainte-Baume
où vécut et mourut Sainte Marie-Madeleine, l’Apôtre
des Apôtres, celle qui vit la première le Christ ressuscité.
Pratiquement,
nous nous retrouverons au monastère St Michel du Var le dimanche
12 juillet au matin (le 11 après-midi si nécessaire)
et repartirons le 17 juillet au matin. Si vous venez par le train
nous viendrons vous cherchez bien sûr à la gare la plus
proche le samedi après-midi. Nous ne pouvons pas encore vous
donner un prix, il dépendra largement du nombre que nous serons,
mais nous avons besoin de savoir dès maintenant si vous êtes
à priori partants pour cette aventure spirituelle. Merci de
nous donner à Pascal un accord de principe très rapidement
(avant le 29 mars) afin de nous permettre d’établir le
coût de ce pèlerinage et de vous le communiquer le plus
rapidement possible.
***
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