Gorze,
juillet-août 2009
Chers
Amis,
Avez-vous remarqué que les vacances sont avant tout une plus
grande intimité avec soi-même et avec la nature ? S’il
y a une telle connivence entre les deux, c’est parce que l’homme
est un microcosme : il contient tout le cosmos. La recherche de la
beauté à l’extérieur est un signe de la
beauté qui nous habite au plus secret de nous-mêmes.
Cette fascination nous éveille à notre propre mystère.
Et cela transforme notre regard du tout au tout.
Celui qui a sa demeure dans la profondeur voit aussi les êtres
et les choses dans leur profondeur. Toute la création devient
pour lui un lieu de communion avec Dieu, car il n’y a rien qui
ne soit l’expression de sa gloire et le réceptacle de
son Souffle. Il découvre le « numineux », cette
qualité supérieure qui nous indique, à propos
de tout, la présence d’une réalité autre,
complètement différente de celle qui tombe immédiatement
sous nos sens. Teilhard l’appelle la « diaphanie »
de l’Etre, l’Universel Sourire venant du cœur de
toute choses…, premier frisson perçu du monde animé
par l’Incarnation de Dieu, et les Pères du désert
la désignent par cette admirable expression : la flamme des
choses. Au centre du moindre objet se dévoile l’immensité
infinie qui contient tout…
Cette unité de la vision est l’unité de l’Etre
et par là une conquête de l’espace et du temps.
Pour elle, l’infini est dans le fini des choses et toute l’éternité
dans la seconde qui passe. C’était l’un des thèmes
de prédilection pour Dürckheim, ce qui lui faisait dire
que l’on devrait regarder au-dehors comme on regarde au-dedans,
en faisant du dehors un dedans, pour constater finalement qu’il
n’y a pas d’extériorité, que rien n’est
« objectif » et que tout est une relation de sujet à
sujet. Devant la plus humble fleur, l’homme se trouve dans une
relation de « je » à « Tu », et peut
expérimenter dans une tulipe tout le mystère de l’Etre,
entrer en dialogue avec Lui. Cela peut aller de la simple sensation
de l’Etre, une touche éphémère, jusqu’aux
« heures étoilées » et même à
la grande expérience libératrice. L’essentiel
c’est de s’exercer constamment, de prendre même
le quotidien comme exercice; on ne devrait jamais perdre le contact
avec le numineux et suivre sa trace partout, comme le chien de chasse
suit la trace du gibier, dit Dürckheim, et il aimait citer cet
aphorisme de Novalis : Toute surface visible a une profondeur invisible
élevée à l’état de mystère.
La Bible est tellement remplie de cette réalité que
saint Augustin (Ve siècle) a pu dire que le monde, la nature
est une première Bible, qui correspond à l’Ecriture
Sainte puisqu’elles ont le même Auteur. Toutes les deux
ouvrent sur le Christ qui, après les avoir écrites,
en a fait son corps et son visage. Le Logos, le Verbe-Parole incarné
libère le silence des êtres et des choses, Il leur donne
le contenu le plus profond, il révèle leurs racines
dans l’abîme du Dieu trois fois saint, dont ils sont désormais
transparents. Dans les formes visibles, comme dans les mots de la
Bible, le Verbe se cache et se dévoile, c’est un leitmotiv
cher à saint Maxime le Confesseur (VIIe siècle). Mais
déjà Origène (IIe siècle) dit : La Parole
est présente en chaque être, si petit soit-il, afin que
les disciples aperçoivent la blancheur et l’éclat
rayonnant de la lumière de Vérité qui est partout.
C’est pourquoi insiste saint Denys l’Aéropagite
(VIe siècle), l’homme doit s’unir à tout
pour libérer la louange de la nature muette.
Ainsi le sens du monde dans la Bible c’est qu’il est une
théophanie, une manifestation de Dieu qui, à son tour,
s’offre à la communion de ceux qui savent regarder et
contempler. Chaque chose, tout ce qui existe est donc une donation
de l’Invisible, tout, jusqu’à la banalité,
s’ouvre sur des horizons infinis. Cette contemplation suscite
la louange ; puisque tout est don et grâce, le cœur de
l’homme entre en action de grâces et reconnaissance. La
vue du contemplatif devient héliomorphe, dit saint Grégoire
de Nysse (IVe siècle) : la lumière de ses yeux est celle
de l’Esprit-Saint, il voit avec les yeux de la Colombe et reconnaît
ce qui lui est homogène, connaturel, car la lumière
qui repose dans ses yeux est celle-là même qui ruisselle
sur toute chose. C’est la présence de l’Esprit-Saint
qui nous fait « voir », car Il est la Beauté qui
nous attire en toute chose et nous appelle à travers cette
transparence à contempler le Verbe. Ce rayonnement de l’Esprit
qui éclaire le Fils pénètre notre conscience,
si elle s’y ouvre, et nous donne la sensation de Dieu, le Silence-Source-Créateur
derrière tout. L’homme touché par cette expérience
bouleversante se transforme, il est saisi par la charité cosmique
qui enflamme son cœur d’amour pour toute créature.
Cet homme a atteint la sagesse. Il est libre et dépouillé
de toute convoitise et perversion, il découvre vraiment une
nouvelle manière d’être et un autre rapport au
monde. La terre est à nouveau un paradis et la vie de l’homme
une condition céleste.
Le tout, c’est d’emmener maintenant ce regard de lumière
sur la vie dans les ténèbres de l’hiver qui ne
va pas tarder… Mais n’oublions jamais : les ténèbres
elles-mêmes sont habitées par la Lumière ! C’est
là tout l’Evangile de saint Jean…
avec toute
notre affection, à bientôt !
Père
Alphonse et Rachel
Texte
à méditer
«
Lorsque,
devant une scène de la nature, un arbre qui fleurit, un
oiseau qui s’envole en criant, un rayon de soleil ou de
lune qui éclaire un moment de silence, soudain, on passe
de l’autre côté de la scène, on se trouve
au-delà de l’ écran des phénomènes,
et l’on éprouve l’impression d’une présence
qui va de soi, entière, indivise, inexplicable et cependant
indéniable, tel un don généreux qui fait
que tout est là, miraculeusement là, diffusant une
lumière couleur d’origine, murmurant un chant natif
de cœur à cœur, d’âme à âme.
»
(François
Cheng)
Moïse
dit à Dieu : « Fais-moi, de grâce, voir ta
gloire ! »
Dieu répondit : « Je ferai passer devant toi toute
ma beauté » (Ex 34,19)
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