Gorze,
mars 2011

Photos Aurore (cliquer pour agrandir)
Chers
Amis,
Nous
voici à nouveau à l’entrée dans le Grand
Carême: quarante jours pour dresser le bilan du « vieil
homme » que je suis encore et naître à «
l’homme nouveau » qui sommeille en moi. Pâques
est vraiment le moteur de ma vie personnelle: mort et résurrection,
« passer » de plan de conscience en plan de conscience
vers l’irruption d’une dimension radicalement nouvelle.
Celle-ci est le mystère de mon identité profonde,
là où « Je Suis » enraciné en Dieu
lui-même, l’Etre, le grand « Je Suis ».
Saint Paul nous le rappelle: « Vous entrerez par votre profondeur
dans toute la profondeur de Dieu » ( Eph. 3 ). On comprend
alors comment Saint Augustin a pu écrire cette phrase inouïe:
« Dieu est plus intime à moi que moi-même! »
Donc expérimenter l’homme dans toute sa dimension,
c’est expérimenter Dieu! L’homme n’a pas
d’yeux ni d’oreilles, il ne vivote qu’à
la surface existentielle, tant qu’il n’a pas atteint
un certain niveau d’approfondissement et de silence.
La
conversion, à laquelle nous invite le Carême, c’est
comprendre que je suis appelé à parcourir une distance
vertigineuse à l’intérieur de mon être.
Une hymne primitive, d’un dynamisme explosif, dit: «
Eveille-toi, oh toi qui dors, et tu toucheras le Christ! »
Ce « passage » de l’état de mort à
l’état de vie, de l’enfer au Royaume, définit
exactement l’itinéraire du retournement, de la conversion.
Celle-ci n’est en aucun cas un changement moral, une amélioration
de soi, mais une réelle mutation de l’être humain
tout entier, corps-âme-esprit, le devenir d’une «
nouvelle créature ».
Cet
appel sourd en chacun de nous, c’est une attirance vers une
toute autre vie; il est pour celui qui l’écoute, le
thème spirituel personnel, toujours identique à lui-même.
Il accompagne chacun depuis sa naissance, il est la question de
chacun et sa mise en question. Déjà les Anciens philosophes
appelaient cela « entéléchie »; pour l’Evangile,
il s’agit de la croix personnelle à tout homme, échelle
par laquelle il développe sa croissance à travers
les difficultés que lui offre sa nature, chacun a les siennes.
Comprendre
sa croix, c’est pressentir les données de son destin,
déchiffrer son sens, c’est se comprendre…, détecter
en soi les promesses enfouies originellement par le Créateur.
Et quand je découvre cela, alors la conversion m’appelle
avec force. D’un coup je commence à entrevoir l’insuffisance
du présent inconsistant et une lucarne vers un autre monde
possible s’ouvre brutalement.
Là,
cette amorce suggère et me met devant un retournement décisif,
un engagement de tout mon être. J’entre peu à
peu dans la vision du mal et du péché, qui me fait
vivre comme si Dieu n’existait pas. C’est le Démon
qui tire les ficelles de la marionnette que je suis… C’est
précisément là que Dieu m’attend, non
comme un gendarme ou un juge, mais comme le Fiancé. Croisée
de Chemin où un choix s’impose et personne ne peut
le faire à ma place! Ce choix est une mort réelle,
chaque jour à recommencer. Il opère une irruption
de l’éternité dans le temps, car au sein de
ma vie conditionnée, ma décision pour Dieu est une
rencontre avec Lui. C’est cela l’Alliance, les fiançailles
ou les épousailles mystiques qui sont au cœur de la
Bible. Chaque seconde qui passe, parce qu’elle est portée
par cette décision, porte en elle la Présence absolue,
pour peu que nous descendions assez profondément dans notre
silence intérieur.
L’inverse
de cette attitude de conversion, c’est le péché.
Il n’y a qu’un péché, dit Isaac Le Syrien,
« c’est d’être insensible au Christ Ressuscité
». La joie, en effet, est le grand Fruit de l’Esprit.
L’authenticité d’une vie convertie se mesure
au degré de joie qui l’habite. Sans cette joie, tout
est projeté à l’extérieur, plus rien
n’est habité. L’homme devient alors un possédé,
il n’est obsédé que de lui-même, il s’autolâtre
et perd la dimension verticale, celle de l’Esprit Saint. Pour
être vraiment « Heureux » en toutes circonstances,
comme suggère Jésus dans les Béatitudes, il
faut être humble, c’est-à-dire avoir son axe
en Dieu seul et prendre une conscience de plus en plus aigüe
de l’Amour fou de Dieu.
Dans
ce sens l’humilité est la plus grande puissance, car
elle supprime radicalement tout esprit de ressentiment et elle est
la seule à venir à bout de l’orgueil. Nous sommes
ici à la source de toute ascèse et travail sur soi:
briser l’orgueil et faire de l’humilité, grâce
à la joie intérieure, le fondement de l’être
humain restauré. Se convertir c’est entrer dans un
autre style de vie, la vie même du Christ, laisser vivre le
Christ en soi. Le Carême nous rappelle que cela ne s’obtient
que par une prière prolongée, par le jeûne et
la sobriété, le combat des passions et le parti pris
de l’Amour au cœur de toutes nos relations…
A
chaque instant: « Que ferait le Christ à ma place?
», c’est la Règle d’Or!
Avec
toute notre affection, à bientôt !
Père Alphonse et Rachel
Prière
Seigneur,
fais de moi un instrument de ta paix.
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette
la lumière;
Là où est la tristesse, que je mette la joie.
Fais que je ne cherche pas tant d’être consolé
que de consoler,
d’être compris que de comprendre,
d’être aimé que d’aimer;
Parce que c’est en donnant que l’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on obtient le pardon.
C’est en mourant que l’on ressuscite à l’Eternelle
Vie.
.
(attribuée
à Saint François d’Assise)