Chers
Amis,
L’instrument
par excellence pour nous exercer à la nouvelle vie, c’est
la louange, l’action de grâce. Elle est l’exercice
même de la pure gratuité et nous introduit donc dans
la dimension non-conditionnée, c’est-à-dire
divine. Vivre, c’est louer Dieu, et seulement celui qui loue
Dieu vit pleinement. Ce n’est pas le shéol qui te loue,
ni la mort qui te célèbre, dit Isaïe le prophète,
ils n’espèrent plus en ta fidélité, ceux
qui descendent dans la fosse. Le vivant, le vivant lui seul te loue.
(38, 18-19)
Ce
thème est la trame de fond de toute la Bible, que le Christ
portera à son accomplissement par sa résurrection
même. Il est le béni du Père, l’essence
de son être est action de grâces. Par sa parole et sa
vie, Il nous montre que là est le Chemin d’une vie
en plénitude pour nous aussi, une vie qui ne connaîtra
plus la mort. Les Apôtres en font le cœur de leur message,
c’est pourquoi il est une « Bonne Nouvelle »,
saint Paul en remplit ses épîtres : Rendez grâces
en tous temps et en tous lieux…Soyez toujours joyeux (1Th
5,16), et saint Pierre en fait à proprement parler la vocation
de tout homme : Bénissez, car c’est à cela que
vous avez été appelés ! (1P 3,9). Déjà
le juif pieux portait en germe cette vie de ressuscité :
Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse
en ma bouche ! (Ps 34,2).
En
communiant au corps et au sang du Christ dans l’Eucharistie,
nous devenons à notre tour par essence des êtres d’action
de grâces et sommes transformés en une pure louange
de gloire (Eph 1,12). Ici est le fondement d’une vie totalement
nouvelle, d’un être nouveau. Ainsi toute mon existence
peut devenir pascale : par l’action de grâces incessante,
je transforme de moment en moment la vie en Vie, les ténèbres
en Lumière ; des situations de mort jaillissent la vie, comme
à l’Eucharistie : le pain et le vin deviennent le corps
et le sang du Christ ressuscité.
Si
le Christ a dit, après l’institution de l’Eucharistie
: Faites ceci en mémoire de moi, c’est qu’Il
se rend vraiment présent par l’action de grâces,
et cela non seulement dans la célébration, mais dans
toute la vie, en tant que manière d’être. Nous
l’avons dit : Le Christ est notre Pâques et Il est venu
pour nous apprendre à vivre pascalement, en nous unissant
à Lui. La Pâques, c’est la mort et la vie en
une seule réalité. Le Christ n’écarte
pas la mort pour la remplacer par la vie, Il transforme la mort
elle-même en vie.
C’est
pourquoi, mourir, pour Lui, est une « gloire » (Jn 17,1).
Et lorsque nous faisons nôtre ce message, quand nous rendons
gloire à Dieu par l’action de grâces, le pendule
de mon horloge ne me dit plus à chaque battement : «
Tu meurs… ! », mais « Tu ressuscites… !
»
Dans
cette lente alchimie de mon être, ce qui tombe et meurt, c’est
le « petit moi », l’ego, comme le cocon d’une
chrysalide tombe pour permettre au papillon d’accéder
à la vie. Même si la chrysalide se tord dans ses souffrances,
il s’agit d’un processus de vie et de joie. Ainsi, quand
nous nous exerçons à la joie et que nous rendons grâces
« en tous temps et en tous lieux », c’est-à-dire
même quand cela va mal, notre ego meurt. Cette joie est un
grand acte, c’est l’acte le plus élevé
du détachement de soi, le plus opposé à l’égoïsme
et, simultanément, un acte créateur.
L’ego
meurt si nous sommes vraiment heureux, car il n’existe qu’en
se plaignant, qu’en étant contre, toujours replié
sur lui-même, marinant dans ses problèmes. Si notre
ego résiste tellement à la gratitude, c’est
parce que celle-ci l’oblige à disparaître. Là
où est Dieu, là est la Joie, car Dieu est la Joie
en Personne. C’est pourquoi, Jésus a pu dire : Celui
qui veut me suivre, qu’il prenne sa croix et qu’il me
suive. Etre heureux ou être en Christ est la même réalité,
mais cette joie d’être en Christ signifie la crucifixion
de l’ego ou du mental.
De là, en même temps, l’acte créateur
le plus élevé, car Dieu est la plus haute possibilité
de l’homme, et la béatitude en est l’expression
qui ne trompe personne : c’est par elle que l’homme
ressemble à Dieu. Ainsi, faire de sa vie une Pâque
incessante, c’est rendre grâces en tous temps et en
tous lieux, c’est-à-dire mourir et ressusciter inséparablement
ici et maintenant. C’est pourquoi, comme disait Maurice Zundel,
l’authenticité d’une vie spirituelle se mesure
au degré de joie qui l’habite !
Cela
est si vrai que l’austère théologien qui a le
plus marqué tout l’Occident depuis le 13ème
siècle, saint Thomas d’Aquin, affirme sans ambages
: Il n’y a pas de progrès spirituel sans la joie. Rien
n’est évidemment plus cohérent avec l’approfondissement
du mystère pascal au quotidien. Plus on ressent de la gratitude
en son cœur, plus on se rapproche de Dieu. Cela explique le
fait bien connu par toutes les Traditions, que les sages sont des
gens heureux comme des enfants et qu’un saint triste est un
triste saint ! Si j’ai la plénitude du Christ ressuscité
au fond de moi, la tristesse est un blasphème et une trahison,
la joie, elle : ma plus grande responsabilité et mon seul
devoir (P. Claudel).
Avec
toute notre affection, à bientôt !
Père Alphonse et Rachel
Prière
Je
bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse
en ma bouche !
(Psaume
34,2)
Texte
à méditer
Pour
celui qui vit en Christ, il n’y a plus ni vie ni mort, mais
la Présence active de Dieu en nous et dans les choses,
Présence qui nous transforme selon nos fins, jusqu’à
ce que son amour ait satisfaction en ceux qui y répondent…
La chrysalide meurt-elle en devenant papillon ?
(Père
Sertillange)
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