Chers
Amis,
Si la
fin de l’Année liturgique trouve en ce mois de septembre
toute sa profondeur dans la fête de l’Exaltation de
la Sainte Croix, c’est parce que, à la base de tous
les combats pour la vie, il y a d’abord l’ascèse
: la croix est l’unique chemin qui mène à la
résurrection. Le Christ nous l’a montré et nous
devons faire nôtre ce chemin. Nous n’arriverons à
bout de notre égoïsme et de toutes les formes d’injustices
extérieures qu’en commençant par un rude travail
sur soi pour extirper l’orgueil démoniaque et son cortège
de passions. Seule cette mort à nous-mêmes et au péché
qui nous sépare de Dieu libère en nous et autour de
nous son énergie de vie.
Si
quelqu’un veut me suivre, dit le Christ, qu’il renonce
à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il
me suive (Mt 16,24). « Sa » croix : il doit être
clair que la croix est intimement liée à la dimension
de la profondeur de chaque être humain, elle est personnelle.
Mon désir conscient ou inconscient de toujours contourner
la volonté de Dieu, pour ne chercher que ce qui me plait,
révèle la nature de mes résistances secrètes
et de mes refus orgueilleux.
Seulement
celui qui prend sa croix sur lui, en d’autres mots celui qui
entre dans l’acceptation libre et totale de l’inacceptable
ici et maintenant peut traverser la souffrance et accéder
au mystère d’une vie autre. L’important c’est
: ici et maintenant, car c’est là justement que la
croix devient pour moi à la fois terriblement concrète
et personnelle. L’instant présent c’est la croix,
le croisement de l’éternité et du temps : si
je reçois des mains de Dieu cet instant quel qu’il
soit avec un amour inconditionnel, mon ego est crucifié,
il peut souffrir mille morts, l’enfer même, mais c’est
le seul chemin qui offre alors la Joie inconditionnelle, qui ne
dépend plus d’aucune circonstance extérieure.
C’est cela ressusciter…
C’est
dans le « oui » à la souffrance et à la
mort que se trouve la vie, c’est en consentant à descendre
dans le tombeau des ténèbres qu’est si souvent
mon « ici et maintenant » que Dieu le transforme en
chambre nuptiale, c’est en communiant totalement à
ma croix qu’elle devient Joie… S’imagine-t-on
le Christ prendre sa Croix sans amour, à reculons ? C’est
précisément parce qu’Il a étreint la
souffrance et la mort avec un amour infini qu’Il y a déposé
la Lumière et la Joie que nous y trouvons ! Dieu nous a caché
la joie de mourir pour que nous ayons le courage de vivre.
L’amour
est plus fort que tout ce qui lui est contraire et depuis que le
Christ nous a révélé cette nouvelle approche
de l’existence mortifère, la mort elle-même est
devenue la grande initiatrice de la vie. Avec le Christ la mort
a été métamorphosée et n’a plus
rien de commun avec la conception païenne à son sujet.
Saint François d’Assise appelait la mort avec une infinie
tendresse : Ma sœur la mort et saint Séraphin de Sarov
dit à la fin de sa vie : C’est la grande allégresse
qui approche ! Les saints connaissent ce que la Tradition appelle
le « joyeux mourir », car, en réalité,
toute leur vie a été l’apprentissage de la mort.
Cette pratique de la mort incessante est la pratique même
de la vie en plénitude de la résurrection dès
maintenant. Qui ne vit pas avec la mort tous les jours ne vit pas
du tout, dit Graf Dürckheim, ce sage de notre temps ; ne vit
vraiment que celui qui sait vraiment mourir…
Il
n’y a finalement pas de Joie hors de la mort. Mourir n’est
une obsession macabre et désespérante que pour celui
qui est encore prisonnier de lui-même et de son avoir, de
son moi psychique et mondain. Mais celui qui s’exerce à
la mort plonge dans son esprit qui, lui, ne peut plus mourir depuis
que le Christ l’a sauvé ; le soleil a-t-il peur de
la nuit ? Et Dieu le Père infiniment bon qui nous donne la
mort, donnerait-Il quelque chose de mauvais à ses enfants
? Et quand ce même Père, actif en tout, transforme
la chrysalide en papillon, est-ce vraiment mourir de grande mort
? Voyez la joie du papillon… La certitude de l’Amour
fou de Dieu pour nous ne fait-elle pas contrepoids à toutes
nos peurs et questionnements ? La confiance totale, voilà
le remède à tous les maux de la vie…
Nous
pouvons, à tout instant, faire jaillir de notre cœur
l’être nouveau, radicalement nouveau que le Christ ressuscité
a recréé dans nos profondeurs. Si nous savions comme
nous sommes heureux et quelle béatitude nous habite ! Nous
n’en sommes séparés que par nous-mêmes,
nos propres illusions et la crainte de la mort en est une…
Qu’est- elle encore au milieu d’une telle plénitude
?
Devenir
cet homme nouveau ne dépend que de ma décision immédiate
et ferme qui dit : « oui » et se laisse empoigner par
l’immense allégresse du Christ, notre Pâque.
Tout est rempli de sa Lumière, le ciel, la terre et l’enfer,
y compris nos enfers quotidiens : depuis la Résurrection
chaque instant est un abîme ouvert sur l’éternité
où Dieu m’appelle, il faut sauter. Là est le
secret : mener une vie immortelle, une vie de ressuscité,
tirer notre bonheur de toutes les circonstances.
Avec
toute notre affection, à bientôt !
Père Alphonse et Rachel
Prière
Le
Seigneur est mon rocher,
Il est ma force,
Il est mon Sauveur.
Mon Dieu est mon soutien,
j’espérerai en Lui ;
Il est mon bouclier,
Il est l’appui de mon salut ;
c’est Lui qui me tient élevé en haut ;
Il est mon refuge ;
mon Sauveur, Vous me délivrerez de l’iniquité.
J’invoquerai le Seigneur digne de toute louange,
et Il me délivrera de mes ennemis.
Les douleurs de la mort m’ont assiégé,
les torrents de Bélial m’ont épouvanté.
Les liens de l’enfer m’ont environné,
les filets de la mort m’ont enveloppé.
J’invoquerai le Seigneur dans mon affliction,
et je crierai vers mon Dieu ;
et Il entendra ma voix de son temple,
et mes cris parviendront jusqu’à Ses oreilles.
Texte
à méditer
Quand
on vit dans la troisième dimension du temps, dans l’instant
éternel, on n’a plus à compter avec la mort.
Le Christ a fait cette révélation stupéfiante
: désormais avec Lui on peut aimer la souffrance et décider
librement comme Lui de mourir ; quand on regarde tout comme don
de Dieu, inspiré par son amour, le malheur peut être
un suprême bonheur, un commencement de vie éternelle.
(Père
Sertillange)
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