Chers
Amis,
La
Toussaint se profile à l’horizon, mais nous sommes-nous
déjà posé sérieusement la question :
qu’est-ce qu’un saint ? Ce n’est certainement
pas un personnage en plâtre avec la tête à midi
moins le quart et plein de toiles d’araignée ! Ce n’est
pas non plus un personnage héroïque et idyllique, un
parfait ! Non, un saint c’est un chrétien qui prend
sa vie, la Vie, au sérieux. Si nous n'étions pas des
chrétiens-amateurs, il y a longtemps que le monde serait
en feu (Lc 12,49).
«
Ce peuple-là m'honore des lèvres, mais son cœur
est fort loin de moi » (Mt 15,18), « sa religion envers
moi n'est que commandements humains, leçons apprises ! »
(Is 29,13). Amateurs... Nous «faisons» des tas de choses
et oublions d'être amoureux. Nous nous jetons dans le multiple
du matin au soir et n'avons pas cet axe, cette direction qui unifierait
tout. Notre action est sans adresse, elle ne s'adresse à
personne, notre existence est sans vis-à-vis, nos relations
ne sont que fonctionnelles. Nous avons perdu la Vie de la vie, les
vrais motifs ont disparu...
Alors,
de temps à autre, Dieu, comme un fiancé déçu
jusqu'aux larmes de sang (Lc 22,44) vient hurler son « énorme
épouvante» par la bouche de ses prophètes :
« Ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive (Jr
2,19), vous avez conçu du foin, vous enfanterez de la paille
» (Is 33,11).
L'homme
préfère sa petite religion, au goût du jour,
suivre son propre chemin, chercher son intérêt (Is
56,11). Mais à travers nos détournements-mêmes,
l'accumulation de nos péchés, voire notre «
bonne conscience », ne cesse de percer comme une flèche
ce petit mot de Jésus qui cristallise le message millénaire
: « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez
tous... » (Lc 13,3). Nous menons une vie de morts.
Les
prophètes, certes, essayent de faire éclater l'univers
pourri de nos prétextes et de nos excuses, des facilités,
des conformismes, des fausses sécurités... Mais l'homme
est installé dans sa misère, il s'y est habitué,
il ne s'imagine même plus qu'il puisse y avoir autre chose
et que la vie n'est pas du tout ce à quoi il l'a réduite!
Il
est étonnant, n'est-ce pas, pour des «chrétiens
chevronnés» comme nous, qu'il faille toujours revenir
sur ce que nous prenions pour une affaire classée! Nous pensions
être des croyants et nous voilà au pied du mur... Tenez,
ce petit test de vérité : interrogeons notre vie et
voyons quelle conception du bonheur la domine. Est-ce le bonheur
de la seule réussite terrestre : beauté, santé,
réputation, argent, puissance, réussite...?
Ou
est-ce Jésus-Christ notre bonheur et notre vitalité,
la motivation dernière de toutes nos entreprises, y compris
celle de vouloir entrer dans le dessein de Dieu? On peut être
catéchiste enragé, militant à tous crins, religieuse
ou prêtre... et ne pas être converti ! Ce que l'on met
sur le dos de la charité ou du don de soi ne peut être
qu'engraissage de l'ego et carrière du petit moi. On peut
se décorer de mille manières, même sous les
apparences contraires !
Tout
est une question de direction. Vers quoi se tourne spontanément
mon cœur ? Où va inconsciemment et sans arrêt
ma préférence? Vérifier tous les jours ma réponse
à ces questions, c'est vivre dans la logique de la conversion.
Mais sans doute nous révèleront-elles, d'une manière
inattendue, que nous vivions jusque-là dans l'univers des
formules et des idées générales, et que notre
supposée « foi » n'est jamais entrée comme
une hache dans nos mœurs (Lc 3,9). L'expérience spirituelle
est le privilège des spécialistes, pensons-nous. Sous-prolétaires
de l'Amour, à la rigueur fonctionnaires de nos bons sentiments
religieux, la zone profonde de notre être n'a pas été
atteinte. Mais si tel en est l'enjeu, si le mot « conversion
» est le résumé éclair de toute l'Ecriture
et le seul programme d'une vie chrétienne, il serait bon
d'en scruter un peu encore sa signification.
Pour
deux personnes qui s'aiment vraiment, l'intimité est le centre
vers lequel tout converge et la source où le moindre instant
de leur journée trouve son origine. Il suffit de regarder
deux amoureux : tout en eux est transformé (converti). Quand
il s'agit de Dieu, cette relation d'intimité s'appelle «prière».
Mais attention : il y a autant de différence entre «
rabâcher comme des païens » (Mt 6,5-8) et prier
qu'il y en a entre le flirt et l'amour! Pour certains, le mariage
n'est qu'un flirt prolongé comme pour d'autres la prière
n'est qu'une pauvre duperie: cela ne débouche sur rien, sinon
sur soi-même, pour les uns et pour les autres.
C'est
pourquoi toute conversion s'opère dans le feu. Seule la proximité
du Saint brûle en celui qui le découvre, dans le secret
d'une prière contemplative, la paille des apparences (Jr
29,29); elle réduit à rien les prestiges du monde,
l'honorabilité sociale, la conscience satisfaite... tout
ce à quoi allait encore notre préférence jusque-là.
« Pour être un saint, écrit Bernanos, quel évêque
ne donnerait son anneau, sa mitre, sa crosse, quel cardinal sa pourpre,
quel pontife sa robe blanche, ses camériers, ses suisses
et tout son temporel... »
Il
s'agit pour nous, pour chacun, d'entrer dans l'authenticité
totale : peu à peu, longuement, régulièrement,
se laisser investir par Dieu, structurer, séduire, habiter
par Lui... Concrètement cela se traduit par la volonté
de trouver chaque jour un temps déterminé pour Dieu
seul. Là encore, un test serait des plus révélateurs.
Car « Dieu a, dans notre estime, la place qu'Il tient dans
notre temps » (Evely). Nous avons du temps pour tout ce que
nous estimons. Si nous ne trouvons pas du temps pour Dieu, c'est
que nous ne l'estimons pas... Nous serons peut-être ses serviteurs
(inutiles!), ses combattants (sans doute pour une bataille perdue
d'avance!), mais pas ses amants. L'amour a une exigence : le face
à face, en pure perte et qui ne sert à rien... sinon
à aimer et à se laisser aimer !
L'élément
qui permettra à ce temps de devenir une rencontre, c'est
évidemment l'Evangile. A force de naître et de renaitre
sans cesse à cette Parole, de la ruminer et de la «
méditer en notre cœur » comme Marie (Lc 2,19,51),
nous provoquons notre conversion par osmose... La personne de Jésus
« déteint » sur nous, littéralement. A
le contempler, Il finit par passer en nous. Ses traits, ses manières,
ses réactions, ses pensées deviennent nôtres
par une sorte de contagion.
Et
un jour, contrairement au blasphème d'ironie de Nicodème,
nous renaissons à une profondeur, à un tout autre
plan de conscience (Jn 3,1-21), où tout le tissu de notre
vie, jusqu'au moindre détail, va acquérir une densité
étonnante, jusque-là inconnue (Col 2,6-7). «
Avoir les yeux dans les siens, la pensée hantée par
Lui, le cœur tout pris, tout envahi, comme hors de soi et passé
en Lui, l'âme plein de son âme, pleine de sa prière,
tout l'être captivé et donné », écrit
sainte Elisabeth de Dijon (+ 1908). Voilà le chemin de la
sainteté, il est simple, il est pour tous. Bon chemin à
vous !
Avec
toute notre affection, à bientôt !
Père Alphonse et Rachel
Prière
En
Toi se réjouit toute la créature, O Pleine de grâce
: l'assemblée angélique et la race humaine. Temple
sanctifié, Paradis raisonnable, Louange virginale, de Toi
Dieu S'est incarné et devint enfant, Lui notre Dieu avant
les siècles. Il fit de Tes entrailles Son Trône et
rendit Ton sein plus vaste que les Cieux. En Toi se réjouit
toute la créature, gloire à Toi !.
(Chant
à la Mère de Dieu du temps de la Toussaint)
Texte
à méditer
Alors
je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier
ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n'était
plus. Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la
ville sainte, la Jérusalem nouvelle, prête comme
une mariée qui s'est parée pour son mari. J'entendis
du trône une voix forte qui disait : La demeure de Dieu
est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront
ses peuples, et lui-même, qui est Dieu avec eux, sera leur
Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus,
et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières
choses ont disparu. Celui qui était assis sur le trône
dit : De tout je fais du nouveau. Et il dit : Ecris, car ces paroles
sont certaines et vraies. Il me dit : C'est fait ! C'est moi qui
suis l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin. A celui
qui a soif, je donnerai de la source de l'eau de la vie, gratuitement.
Tel sera l'héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et
lui sera mon fils.
(Livre de l’Apocalypse, 21.
1 à 7)
Prochaines
sessions à Béthanie