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Les Gésimes, "chemin avant le chemin", Père Pascal

- Le Pré-carême occidental : les Gésimes



En Occident, environ 70 jours avant Pâques nous entrons dans la période des gésimes. Le grand jour de Pâques est précédé du carême de Pâques, lui-même précédé d’une sorte de pré carême, que sont les gésimes.

Depuis la réforme liturgique du concile Vatican II l’Eglise catholique romaine a supprimé le temps de la Septuagésime et l'a intégré au temps ordinaire qui suit l'Épiphanie. Ce temps n'existe donc plus dans la forme ordinaire du rite romain, mais reste actuel dans la forme dite « extraordinaire ». Il en est de même pour les orthodoxes célébrant le rite occidental.

Ce temps est appelé « Gésimes » (ou « de la Septuagésime »), terme qui provient du nom des nombres ordinaux en latin. Comme le 1er dimanche de Carême était désigné sous le nom de Quadragesima (quarantaine avant Pâques), qui donnera en français le terme de « carême », les dimanches précédents furent appelés Septuagésime (Septuagesima : soixantedizaine avant Pâques), Sexagésime (soixantaine), Quinquagésime (cinquantaine).


Ce temps liturgique ne se mettra en place que progressivement aux 6ème-7ème siècles, en lien avec le Carême lui-même, dont les « 40 jours » ne seront fixés -au plan universel- que vers la fin du 4ème siècle. Il comporte 3 dimanches et dure 3 semaines et 2 jours (soit 23 jours), parce qu’il se termine le mercredi des Cendres, qui suit la Quinquagésime, et qui est le 1er jour du Carême. Cette préparation ascétique au carême est surtout d’ordre liturgique (textes et lectures, usage du violet comme couleur liturgique)


Symboliquement, ces 70 jours correspondent aux 70 ans de la captivité de Babylone. En effet, dans le symbolisme biblique et liturgique, Babylone représente la cité terrestre corrompue, qui s'oppose à Jérusalem, la cité de Dieu. La captivité de Babylone symbolise donc le temps des épreuves, des difficultés, de la lutte contre la tentation et le péché.


Les disciples Pierre et Jean courant au sépulcre le matin de la Résurrection, Eugène Burand


A partir du 28 janvier jusqu'au 14 février 2024, l’Église nous invite à nous préparer au carême. En effet, nous entrons dans cette période liturgique que l’on appelle en occident les Gésimes, temps de préparation à cette grande période d’exercices spirituels que sont les quarante jours avant la Pâque dans la Tradition chrétienne !

Nous sommes ici mis une fois de plus en face des enjeux de notre vie et de nos responsabilités, et invités à une réflexion sur la stratégie qui s’impose à chacun de nous pour faire progresser notre conversion à l’Amour divin…, et cela en vérité, en profondeur et avec efficacité.

Réfléchissons-nous à notre stratégie de carême ? Nous percevons souvent au loin cette nécessité dans nos vies d’une conversion à l’Amour divin, mais avons-nous conscience de l’urgence ? « Aujourd’hui peut être mon dernier jour ! » répétait souvent Rachel Goettmann à la communauté de Béthanie ou pendant les sessions. Elle nous interpellait ainsi à ne pas remettre à plus tard ce qui doit être posé dès aujourd’hui !

Jésus est allé vers sa Pâque d’un pas résolu, nous enseignant le chemin par des paraboles, des actes, des guérisons et il est finalement monté à Jérusalem pour être livré, bafoué et outragé, couvert de crachats, flagellé et tué, pour ressusciter le troisième jour ! Il nous a montré toute la perspective de ces quarante jours qui vont s’ouvrir devant nous.

Mais nous sommes souvent aveugles spirituellement ! C’est pourquoi nous ne voyons pas, nous ne comprenons pas, ou si peu, la Parole de Dieu, c’est-à-dire le message de Jésus, le Dieu incarné. Ne sommes-nous pas souvent spirituellement des survivants ? Il nous est nécessaire pourtant, c’est une question vitale, d’approfondir notre connaissance de l’Evangile, notre connaissance de Jésus, de Dieu, de la Divine Trinité !


Certes nous savons que Jésus existe, que Jésus est près de nous, mais alors pourquoi ne nous écrions-nous pas comme l’aveugle de Jéricho dans l’Evangile : « Jésus Fils de David, aie pitié de moi ! », car voilà bien l’attitude fondamentale que nous propose l’Evangile ? Confesser notre foi et appeler la miséricorde de Dieu sur nous.


Aujourd’hui nous pouvons, avec la Tradition des Pères de l’Eglise, aller plus loin que l’aveugle au temps de Jésus et dire : Seigneur Jésus Christ Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. C’est-à-dire confesser la divinité de Jésus, son engendrement du Père, sa filiation divine et la manifestation de l’Esprit Saint en Lui, en un mot confesser la Divine Trinité. Et ensuite, comme l’aveugle de Jéricho, dire « aie pitié de moi », c’est-à-dire appeler l’ouverture des entrailles de miséricorde de Dieu sur nous qui sommes pécheurs, tellement emplis de maux, et spécialement de cécité spirituelle, que nous sommes empêchés de voir Dieu.


De « Voir Dieu tel qu’Il est »(1) selon le beau titre d’un livre très important de saint Sophrony de l’Athos, c’est-à-dire, être en communion profonde avec Lui, en nous et autour de nous, car c’est la source de la vraie joie et de l’épanouissement véritable. Cette prière va de pair, particulièrement en ce carême qui s’envisage, avec le jeûne et l’effort ascétique qui consiste à combattre les tendances les plus nocives de notre moi : notre convoitise insatiable, notre désir de puissance, notre besoin d’être estimé, notre besoin d’être admiré, de nous imposer aux autres, bref tout ce qui ferme notre regard à la vision de Dieu ! A chacun bien sûr ici de scruter comment cela se concrétise pour lui dans sa vie !


Mais alors nous expérimenterons, c’est inévitable, ces petites voix qui nous susurrent ou ces grosses voix qui nous hurlent de ne pas prier car ça ne sert à rien et que nous n’avons pas le temps, de ne pas jeûner car nous travaillons et sommes faibles, de ne pas combattre notre moi car il faut qu’il s’épanouisse ! Je ne vous fais pas de dessins, vous avez bien compris de quoi il s’agit, nous les expérimentons chaque jour ces voix.

Dans ce cas il faut crier plus fort encore, et c’est à cela que l’Evangile nous invite en permanence : Seigneur Jésus Christ Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur ! Alors la Présence divine manifestée par le Saint Nom de Jésus nous « couvrira de ses ailes et sous son plumage tu espéreras, sa vérité est un bouclier et une cuirasse. » (Ps 91)


En ce temps de préparation au combat du carême, posons un regard clair et honnête sur notre vie, réfléchissons à la stratégie à mettre en place très concrètement pour confesser notre foi dans les actes de notre vie et appelons la miséricorde de Dieu sur nous. Le chemin spirituel n’est pas une réflexion intellectuelle, la foi n’est pas un sentiment ou une ambiance mais une confession et une pratique, un combat pour réveiller en nous l’image divine et faire un pas de plus vers la ressemblance à la Divine Trinité.


Père Pascal


  1. Voir Dieu tel qu'Il est par l’Archimandrite Sophrony, éditions du Cerf


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