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Lettre n°227 - Vers notre terre (suite)


Statue de ste thérèse d'avila
(coucher de soleil sur les champs, sortie du centre Béthanie)

Gorze, novembre 2025


Chers amis,



L’expérience de la transcendance intérieure prend sa source dans l’éros et se réalise dans l’agape. L’expérience initiatique, quelle que soit son intensité, est toujours un saisissement : un tremendum et un fascinosum qui bouleverse l’homme tout entier… Cette force est connue depuis toujours et vit dans la sagesse des contes et des mythes.


La rencontre avec cette énergie est le thème de la descente dans les profondeurs qu’il faut accomplir pour pouvoir trouver le chemin vers le haut. Qui veut s’élever doit d’abord s’abaisser. C’est le sens même de l’acquisition de cette vertu essentielle qu’on appelle l’humilité. Ce mot est de la même famille que le mot humus : l’humble est celui qui s’enracine dans son humus intérieur.


Nous ne sommes pas ici dans des catégories morales mais dans l’ontologique… L’humilité touche à l’Être. C’est le chemin vers nos racines, vers notre adamah  pour être vraiment Adam, le terreux. Dès la Genèse, Dieu appelle l’Adam que nous sommes : « Adam, où es-tu ? » Malheureusement, l’homme n’entend même plus cet appel : « Ils ont des oreilles, dit le Christ, et ils n’entendent pas ! ».


Nous sommes si souvent « dans la lune » … errant dans l’espace sidéral de notre mental parasité par le bruit incessant de ces singes ivres dont parlent les maîtres du Zen pour évoquer le brouhaha de nos pensées et de nos émotions. La descente dans les profondeurs est donc la condition indispensable pour se libérer de l’illusion de notre  moi de survie (ce moi qui s’adapte depuis toujours pour pouvoir survivre) et ouvrir une brèche dans notre cuirasse afin de pouvoir laisser la lumière pénétrer un peu en nous.


Bien entendu, cette descente ne va pas de soi et le cadre structurant et nourrissant d’une tradition spirituelle authentique est indispensable. Il y a aujourd’hui une foi sans religion, une foi à l’état pur, sans contenu, sans dogmes, sans rites… Une spiritualité new-âge qui ne s’ancre dans rien, une sorte de protestantisme extrême.


A l’inverse il y a la religion sans foi, sorte de formalisme extérieur de gens qui, à une époque encore récente, pratiquaient sans croire sérieusement ou pour des motifs mercantiles. Elle a pris la forme du communautarisme : l’important est de faire partie d’une communauté dite chrétienne à laquelle on adhère comme on adhère à un parti politique ou à un syndicat. La question du chemin intérieur n’est pas le sujet : ce qui compte, c’est l’homme engagé, qui travaille et agit sur le monde. Or, la question essentielle n’est pas l’homme et son action sur le monde mais l’homme et sa relation à Dieu ! C’est de cette relation que dépend tout le reste : « Cherchez d’abord le royaume des cieux et sa justice…». C’est donc un véritable retour sur soi qu’il faut opérer et dans ce retournement le travail sur le corps que je suis, occupe une place essentielle.


" rendre l'homme conforme au Christ "
" rendre l'homme conforme au Christ "

L’importance du travail sur soi nécessite tout d’abord de se débarrasser de cette dualité mortifère entre le corps et l’âme qui a malheureusement dominé et domine encore notre anthropologie moderne. Le corps, notre corps est pourtant l’expression visible du mystère que je suis. En ce sens, je suis mon corps et je peux donc m’éveiller à la conscience de qui je suis par l’écoute de mon corps dans sa manière d’être au monde. Cette manière d’être au monde s’ajuste à chaque instant, suivant des lois inhérentes à l’énergétique du corps, pour créer les conditions d’une possible rencontre avec l’être que je suis en Christ et que je n’ai jamais cessé d’être en Lui. Chaque geste peut exprimer Sa Présence ou non : en ce sens chaque geste peut être liturgique ou pas et témoigner ainsi de cette Présence en moi de Celui qui a dit : « Voici que Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde »… L’homme en chemin exprime et en même temps imprime en lui l’attitude juste. Son enracinement dans sa terre intérieure et son élévation vers le ciel dans une juste et noble tension de sa colonne vertébrale, créent ainsi les conditions pour libérer le souffle.


Une ascèse visant à rendre l’homme conforme au Christ doit porter sur le corps par lequel l’homme se rattache à la terre et tend vers le ciel, sachant que celui qui veut monter doit d’abord descendre. Dans un premier temps, (et chaque jour est un premier temps !), toute ascèse a donc pour but de refaire prendre racine à l’homme pécheur, c’est-à-dire à l’homme coupé de sa profondeur, et donc déraciné.


Pour se libérer de cette prison qu’il s’est lui-même construite, et qui est cet esprit hyper rationnel, l’homme doit se convertir pour guérir du fonctionnement autonome de son intelligence. Sinon cela fait de son âme un repère de « brigands et de bandits », alors qu’elle est avant tout destinée à être « une maison de prière »…


Ce repère de « brigands et de bandits », c’est le désordre, l’errance, à la recherche du trésor d’Ali Baba. Ce désordre permanent est contraire à l’ordre qui règne dans la maison de prière… La force vitale désorientée, et qui bien souvent tourne en rond à l’intérieur de nous, se retourne alors contre nous ; d’où l’apparition de toutes ces maladies qui nous privent de notre énergie défensive et font de nous les jouets des énergies négatives.


La force vitale qui se connecte à sa source divine par l’esprit en nous donne forme à un ordre. C’est à travers cette forme qui s’ordonne que je peux percevoir la Vie, l’ordre vital, la loi du Logos, qui m’est révélée à chaque instant dans sa fulgurante nouveauté. Cette nouveauté rayonne alors à travers mon corps redevenu maison de prière, temple du Souffle saint.



           Je vous dis toute mon amitié en Christ, à bientôt !

 

Père Francis † 



Prière

 

Ô mon Dieu, Trinité que j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour m’établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l’éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire sortir de vous, ô mon immuable, mais que chaque minute m’emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère. Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là toute entière, toute éveillée en ma foi, toute adorante, 

Toute livrée à votre Action créatrice …

 

  Sœur Elisabeth de la Trinité (1880-1906)



Texte à méditer


L’esprit est en nous, mais nous n’en avons pas conscience. Et sa recherche doit commencer, non par l’âme, mais par le corps. Car le corps est plus stable, et l’une des caractéristiques du noûs (l’esprit) en nous est sa stabilité. Il n’est pas soumis au temps, au changement, alors que notre psychisme est par excellence un monde changeant.


Saint Jean de Saint-Denis, évêque orthodoxe (1905-1970)







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